mardi 9 février 2016

René Guénon - Les fissures de la Grande Muraille


Quelque loin qu’ait pu être poussée la « solidification » du monde sensible, elle ne peut jamais être telle que celui-ci soit réellement un « système clos » comme le croient les matérialistes ; elle a d’ailleurs des limites imposées par la nature même des choses, et plus elle approche de ces limites, plus l’état qu’elle représente est instable ; en fait, comme nous l’avons vu, le point correspondant à ce maximum de « solidité » est déjà dépassé, et cette apparence de « système clos » ne peut maintenant que devenir de plus en plus illusoire et inadéquate à la réalité. Aussi avons-nous parlé de « fissures » par lesquelles s’introduisent déjà et s’introduiront de plus en plus certaines forces destructives ; suivant le symbolisme traditionnel, ces « fissures » se produisent dans la « Grande Muraille » qui entoure ce monde et le protège contre l’intrusion des influences maléfiques du domaine subtil inférieur1.

samedi 6 février 2016

René Guénon- Les limites du mental


Nous parlions tout à l’heure de la mentalité nécessaire à l’acquisition de la connaissance initiatique, mentalité toute différente de la mentalité profane, et à la formation de laquelle contribue grandement l’observation des rites et « formes extérieures en usage dans les organisations traditionnelles, sans préjudice de leurs autres effets d’un ordre plus profond ; mais il faut bien comprendre qu’il ne s’agit en cela que d’un stade préliminaire, ne correspondant qu’à une préparation encore toute théorique, et non point de l’initiation effective. Il y a lieu, en effet, d’insister sur l’insuffisance du mental à l’égard de toute connaissance d’ordre proprement métaphysique et initiatique ; nous sommes obligé d’employer ce terme de « mental », de préférence à tout autre, comme équivalent du sanscrit manas, parce qu’il s’y rattache par sa racine ; nous entendons donc par là l’ensemble des facultés de connaissance qui sont spécifiquement caractéristiques de l’individu humain (désigné aussi lui-même, dans diverses langues, par des mots ayant la même racine), et dont la principale est la raison.

René Guénon - L'illusion des statistiques

 Revenons maintenant à la considération du point de vue plus proprement « scientifique », tel que les modernes l’entendent ; ce point de vue se caractérise avant tout par la prétention de réduire toutes choses à la quantité et de ne tenir aucun compte de ce qui ne s’y laisse pas réduire, de le regarder en quelque sorte comme inexistant ; on en est arrivé à penser et à dire couramment que tout ce qui ne peut pas être « chiffré », c’est-à-dire exprimé en termes purement quantitatifs, est par là même dépourvu de toute valeur « scientifique » ; et cette prétention ne s’applique pas seulement à la « physique» au sens ordinaire de ce mot, mais à tout l’ensemble des sciences admises « officiellement » de nos jours, et comme nous l’avons déjà vu elle s’étend même jusqu’au domaine psychologique.

Kali-Yuga


Le terme Kali-Yuga peut se traduire par "âge de fer", c'est à dire la période d'obscuration, "l'âge noir" ou "l'âge sombre" qui correspond à la dernière des quatre périodes de notre actuel Manvantara ou ère de Manu. Cette période, la plus ténébreuse de toutes, se distingue par son caractère extrêmement négatif, la confusion y règne, la "massification" s'y fait plus forte et les valeurs profanes, de par la domination générale du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel, y triomphent impitoyablement gagnant l'ensemble de la société.

vendredi 29 janvier 2016

Démonstration du Christ et de l'Antechrist par Saint Hippolyte

 
   
Mais il est temps d’aborder le sujet que nous nous sommes proposé d’expliquer ; et après avoir rendu grâce à la gloire du Tout-Puissant dans le commencement de ce discours, nous allons interroger les saintes Écritures, qui nous apprendront ce qu’il faut entendre par la venue de l’Antechrist ; dans quel temps, dans quel âge du monde doit-il apparaître, d’où viendra-t-il, quelle sera sa patrie, quel sera son véritable nom, que les Écritures se contentent d’indiquer par un nombre ; comment entraînera-t-il les peuples dans l’erreur, les rassemblant sous le même étendard de tous les bouts du monde ; de quelles tribulations, de quelles persécutions affligera-t-il les saints, et comment se fera-t-il passer lui-même pour un Dieu ; quelle sera sa fin ; comment s’annoncera la venue du Seigneur du haut des cieux, ainsi que la conflagration générale de l’univers ; quel sera le règne glorieux et céleste des saints ayant le Christ à leur tête, et comment s’effectuera le châtiment des impies par le feu ?

René Guénon - Le renversement des symboles

Un exemple de Pentagramme sur le baptistère de Split (Croatie) datant des premiers siècles de l'ère chrétienne

On s’étonne parfois qu’un même symbole puisse être pris en deux sens qui, apparemment tout au moins, sont directement opposés l’un à l’autre ; il ne s’agit pas simplement en cela, bien entendu, de la multiplicité de sens que, d’une façon générale, peut présenter tout symbole suivant le point de vue ou le niveau auquel on l’envisage, et qui fait d’ailleurs que le symbolisme ne peut jamais être « systématisé » en aucune façon,mais plus spécialement de deux aspects qui sont liés entre eux par un certain rapport de corrélation, prenant la forme d’une opposition, de telle sorte que l’un d’eux soit pour ainsi dire l’inverse ou le « négatif » de l’autre.



jeudi 21 janvier 2016

René Guénon - La grande parodie ou la spiritualité à rebours.



Par tout ce que nous avons déjà dit, il est facile de se rendre compte que la constitution de la « contre-tradition » et son triomphe apparent et momentané seront proprement le règne de ce que nous avons appelé la « spiritualité à rebours » qui, naturellement, n’est qu’une parodie de la spiritualité, qu’elle imite pour ainsi dire en sens inverse, de sorte qu’elle paraît en être le contraire même; nous disons seulement qu’elle le paraît, et non pas qu’elle l’est réellement car, quelles que puissent être ses prétentions, il n’y a ici ni symétrie ni équivalence possible. Il importe d’insister sur ce point car beaucoup, se laissant tromper par les apparences, s’imaginent qu’il y a dans le monde comme deux principes opposés se disputant la suprématie, conception erronée qui est, au fond, la même chose que celle qui, en langage théologique, met Satan au même niveau que Dieu, et que, à tort ou à raison, on attribue communément aux Manichéens; il y a certes actuellement bien des gens qui sont, en ce sens, « manichéens » sans s’en douter, et c’est là encore l’effet d’une « suggestion » des plus pernicieuses. Cette conception, en effet, revient à affirmer une dualité principielle radicalement irréductible ou, en d’autres termes, à nier l’Unité suprême qui est au delà de toutes les oppositions et de tous les antagonismes ; qu’une telle négation soit le fait des adhérents de la « contre-initiation », il n’y a pas lieu de s’en étonner, et elle peut même être sincère de leur part puisque le domaine métaphysique leur est complètement fermé ; qu’il soit nécessaire pour eux de répandre et d’imposer cette conception, c’est encore plus évident, car c’est seulement par là qu’ils peuvent réussir à se faire prendre pour ce qu’ils ne sont pas et ne peuvent pas être réellement, c’est-à-dire pour les représentants de quelque chose qui pourrait être mis en parallèle avec la spiritualité et même l’emporter finalement sur elle.