samedi 6 février 2016

Kali-Yuga


Le terme Kali-Yuga peut se traduire par "âge de fer", c'est à dire la période d'obscuration, "l'âge noir" ou "l'âge sombre" qui correspond à la dernière des quatre périodes de notre actuel Manvantara ou ère de Manu. Cette période, la plus ténébreuse de toutes, se distingue par son caractère extrêmement négatif, la confusion y règne, la "massification" s'y fait plus forte et les valeurs profanes, de par la domination générale du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel, y triomphent impitoyablement gagnant l'ensemble de la société.


La matérialisation croissante qui s'étend  inexorablement pendant le Kali-Yuga ayant commencé il y a maintenant plus de six mille ans, s'explique par un éloignement de plus en plus marqué à l'égard du Principe, provoquant une perte radicale d'influence des forces traditionnelles au profit des puissances les plus inférieures du monde modernes. C'est ce que l'on appelle le triomphe de la "solidification", ou se produisent les "fissures" à l'encontre de la "Grande Muraille" qui symboliquement, protégeait les civilisations vis-à-vis de "l'intrusion des influences maléfiques du domaine subtil inférieur". Nous sommes donc engagés dans un processus de véritable descente qui ira en s'amplifiant de plus en plus, n'épargnant aucun domaine ni institution de la société, et où nous assisterons à une sorte de déchaînement des éléments destructeurs, où toute vraie hiérarchie sera niée et dont le "mélange des castes" en est sans doute l'exemple le plus visible.

En effet, et à propos de cette question, Guénon explique que le "cycle historique, parti d'un niveau supérieur à la distinction des castes, doit aboutir, par une descente graduelle, à un niveau inférieur à cette distinction, car il y a évidement deux façons opposées d'être en dehors des castes: on peut être au-delà ou en deçà, au-dessus de la plus hautes ou au-dessous de la plus basse d'entre elles; et, si le premier de ces deux cas était normalement celui des hommes du début du cycle, le second sera devenu celui de l'immense majorité dans sa phase finale". Or, la transmission de la Tradition s'effectuant avec un respect scrupuleux des appartenances respectives des individus selon leur place et leur fonction au sein de la société (initiation sacerdotale, guerrière ou artisanale), il est aujourd'hui, quasiment devenu impossible de recevoir une transmission en accord avec sa nature. Ceci explique le fait que le Kali-Yuga est un "temps où la connaissance spirituelle est devenue cachée, et où quelques-uns seulement peuvent l'atteindre, écrit René Guénon, pourvu qu'ils se placent dans les conditions voulues pour l'obtenir".

On doit donc, parler de quelque chose qui est caché plutôt que véritablement perdu, puisqu'il n'est pas perdu pour tous et que certains le possèdent encore intégralement; et, s'il en est ainsi, d'autres ont toujours la possibilité de le retrouver, pourvu qu'ils le cherchent comme il convient, c'est-à-dire que leur intention soit dirigée de telle sorte que, par les vibrations harmoniques qu'elle éveille selon la loi des «actions et réactions concordantes (5)», elle puisse les mettre en communication spirituelle effective avec le centre suprême (6).
5) Cette expression est empruntée à la doctrine taoïste; d'autre part, nous prenons ici le mot «intention» dans un sens qui est très exactement celui de l'arabe niyah, que l'on traduit habituellement ainsi, et ce sens est d'ailleurs conforme à l'étymologie latine (de in-tendere, tendre vers). 

 (6) Ce que nous venons de dire permet d'interpréter dans un sens très précis ces paroles de l'Évangile: «Cherchez et vous trouverez; demandez et vous recevrez; frappez et il vous sera ouvert.» -On devra naturellement se reporter ici aux indications que nous avons déjà données à propos de l' «intention droite» et de la «bonne volonté»; et on pourra sans peine compléter par là l'explication de cette formule: Pax in terra hominibus bonae voluntatis.

De part la vitesse à laquelle se développe la confusion, on pourrait se demander légitimement si le désordre n'a pas atteint son point maximum, il se peut toutefois que l'humanité doive "descendre encore plus bas, dans les excès d'une civilisation toute matérielle, avant de pouvoir remonter vers le Principe et vers les réalités spirituelles et divines. Peut importe d'ailleurs, que ce soit un peu plus tôt ou un peu plus tard, ce développement descendant que les Occidentaux appellent "progrès" trouvera sa limite, et alors "l'âge noir" prendre fin". La fin d'un cycle coïncidant toujours avec l'aurore d'un nouveau cycle "c'est à l'extrême limite du désordre, allant jusqu'à l'apparent anéantissement du "monde extérieur", que doit se produire l'avènement de la "Jérusalem céleste", qui sera, pour une nouvelle période de l'histoire de l'humanité, l'analogue de ce que fut le "Paradis terrestre", pour celle qui terminera à ce moment même." A ce titre, les grandes similitude entre les éléments qui caractérisent l'époque moderne et ceux qu'indiquent les doctrines traditionnelles comme étant propre à la fin du Kali-Yuga, "permettent de penser, sans trop d'invraisemblance", que l'éventualité d'une fin prochaine n'est peut être plus très lointaine;"et ce serait là, assurément, après l'obscuration présente, le complet triomphe du spirituel".

(Le Roi du Monde, Ch. VIII,"Le Centre caché pendant le"Kali-Yuga". La Crise du monde moderne, ch XXV, "les fissures de la Grande Muraille". Aperçus sur l'Initiation, ch. IV, "Des conditions de l'initiation", Ch. XL, "Initiation sacerdotale et initiation royale". Etudes sur l'Hindouisme, "L'Esprit de l'Inde." Formes traditionnelles et cycles cosmiques, "Quelques remarques sur la doctrines des cycles cosmiques"


 

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